Préparer un chassis à peindre
Préserver l’œuvre contre l’action du temps
Une toile est une matière vivante. Bien que fixée sur un châssis, elle « travaille » sous les effets des conditions atmosphériques, du degré d’humidité, de l’endroit où l’œuvre est accrochée. Que ce soit une toile tendue sur un châssis, une feuille de carton encollée, un parchemin marouflé sur une toile, la préparation du support à peindre est une étape méticuleuse et importante qui influencera la vie d’une œuvre et sa protection dans le temps.
Il arrive parfois, dans une exposition, d’observer des tableaux peints directement sur la toile de lin. On peut comprendre l’intention de l’artiste à la recherche d’un effet particulier, mais d’un point de vue technique, l’œuvre manque de protection et se dégradera dans le temps. Peindre sans se soucier de la qualité des matériaux, c’est décevoir le collectionneur un jour ou l’autre. Le cas de la « Scène » à Milan réalisée par Léonard de Vinci est connu pour s’être dégradée prématurément du vivant de l’artiste.
Il est donc important d’envisager la réalisation d’une œuvre comme un ensemble : le support, la préparation, la qualité des huiles et des pigments ou chaque composant participe à la bonne tenue d’une œuvre artistique dans le temps.
Dans le cas d’un châssis à peindre, j’utilise du Caparol Binder (un acétate de polyvinyle) afin de préparer le support. La préparation s’exécute en deux étapes :
L’étape d’encollage
Après avoir fixée et tendue la toile sur châssis, je réalise avec du caparol et de l’eau une préparation assez liquide pour encoller la toile. Cette opération protège la toile contre l’humidité et permet de « boucher » les innombrables petits trous du tissage. Après chaque couche d’encollage, je ponce avec du papier de verre triple zéros, afin de rabattre les fibres de lin qui se sont soulevées au contact de la préparation. A l’issue des trois couches d’encollage, la toile a durci et devient rigide comme une feuille de contre-collé. Lorsque la toile est parfaitement sèche, je passe à l’étape 2, l’enduction.
L’étape d’enduction
L’enduction consiste à étaler en 3 couches une préparation à base de blanc d’Espagne, de blanc de Meudon et de Caparol Binder. Chaque couche doit être bien sèche avant de passer à la suivante. Pour améliorer la finition, je ponce très doucement après chaque couche avec du papier de verre triple zéros. Cela permet de gommer les aspérités, d’enlever les surplus de préparation et d’adoucir la toile.
La préparation à l’apparence d’un plâtre liquide de couleur blanchâtre. Il est tout à fait possible d’employer une autre couleur comme l’ocre rouge comme le faisaient autrefois les anciens dans l’art du portrait et des scènes d’histoire avec la technique mixte.
Le dosage de la préparation est important et rigoureux dans le dosage car de la qualité d’enduction dépend la qualité de la peinture et sa conservation dans le temps. Une toile mal préparée provoquera une dégradation de la couche picturale et du vernis protecteur : la toile se déforme aussi bien par temps humide que sec ; la couche picturale subit des fortes tensions et finit par se « soulèver ». Le vernis quant à lui « suit » le mouvement et craque.
Préparer soi-même où acheter tout prêt dans le commerce ?
C’est d’abord une question de démarche. Acheter un châssis prêt à peindre est rapide. Préparer un support, c’est-à-dire poser une toile sur un châssis, encoller, enduire, rejoint une démarche artisanale qui prends du temps et demande de la maîtrise technique. Je considère cette démarche comme une « mise en jambe », une façon de se préparer mentalement à l’œuvre comme s’il s’agissait de faire croître un fruit jusqu’à son murissement. J’aime aussi maintenir une certaine tradition et travailler avec les méthodes d’autrefois, sans toutefois employer la colle de peau de Lapin particulièrement malodorante et moins résistante à l’humidité.
Fabriquer soi-même permet de réaliser une économie substantielle puisque selon les formats de châssis, l’économie peut représenter jusqu’à 50 % du prix du commerce. Les dosages et les matériaux employés dans la préparation d’un châssis, constituent une part importante dans la réalisation d’une œuvre. Enfin, un dernier avantage à préparer soi-même le support est artistique. Cette démarche offre une plus grande liberté d’adaptation du format de l’œuvre.